
Consignes |
✒ Comme dans les 10 petits nègres d'Agatha Christie, l'ambiance se veut mystérieuse ; pleine de secrets et de dissimulations. Essayez de faire en forte que vos personnage ne soient pas reconnus. De les jouer ; ou de brouiller les pistes en créant des personnages à la volée. Tout le fun est de savoir, ou de ne pas savoir qui se dissimule derrière un masque.
✒ Pour la présentation des posts, trouvez vous un joli avatar masqué ! (j'insiste).
✒ Les questions sont à poser dans le flood. Considérez juste que votre personnage a reçu une invitation par corbeau, rapace, à son domicile. Invitation anonyme mais avec consigne de venir obligatoirement masqué.
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mot de passe : lebaldesrapaces
✒ Des gens vont mourir

Aux invités rendez vous avaient été donnés en pleine nuit, sur les berges de leurs quartiers respectifs où dans le brouillard les attendaient de petites barques aux avirons emmaillotés de soie afin de ne faire qu'un infime clapot. A l'avant des esquifs brûlaient des lanternes sourdes, dont la flamme tremblante peinait à illuminer plus de quelques mètres de brumes épaisses. Quand aux équipages, toujours par deux, ils étaient selon la tradition de mystère Améthyste, voilés et muets. Leurs seules tâches se résumaient à vérifier que les invités aient bien leurs invitations et leurs masques vissés au visage. Point de questions. Encore moins de réponses. Alors que les barques poussées par leurs avirons silencieux, quittaient les berges aux réverbérés maladifs, pour s'enfoncer entre les tourbillons lents, intimidant, de cette brume qui en été, semblait remonter des profondeurs du fleuve.
Dans le brouillard le temps semblait se distordre, s'étirer de façon poisseuse. De même que les distances et toutes les notions de repères géographiques disparaissaient. Vue du fleuve aux eaux noires, aux algues épaisses qui raclaient les coques brinquebalantes, la Ville n'était qu'un songe, qu'une illusion. Photo floue et lointaine en noir et blanc, dont n'émergeaient que de rares obscures silhouettes de bâtiments familiers, bien vite à nouveau dévorées par le voile gris. Les barques allaient, dans ce silence à peine frôlé de clapotis, de vaguelettes grasses et limoneuses, et le brouillard comme une énorme main se refermait sur le paysage pour le soustraire aux regards curieux des invités en proue des esquifs.
Les invitations adressées à différents habitants de la Ville, étaient arrivées les nuits précédentes, livrées à domiciles par des rapaces aux petits yeux cruels. Élégantes. Écrites d'une main impérieuse. Polies. Et ornées du blason d'un corbeau endimanché. Mais avares en informations. Pas de signature. Juste cet ordre de n'apparaître au point de rendez vous que masqué, convenablement et élégamment déguisé. Et ces conseils pour rallier les berges du fleuve, le soir venu, afin d'aller à la rencontre de ces minuscules barques et de leurs rameurs muets, qui une à une, comme des mouches attirées par le feu d'un phare lointain, disparaissaient dans le brouillard.
Direction le centre du fleuve, et cette île qui avec lenteur semblait s'étirer du brouillard à mesure que les avirons au rythme patient s'en approchaient. Une île éclairée de fanaux pâles, portant en son cœur la majesté d'un palais, qui comme nombre de très, très vieilles bâtisses de l'Améthyste, était en ruine. De la musique s'en échappait basse et un peu menaçante. Trémolos lents de violons, pianos graves et autres tintements métalliques de clavecins. Dans le brouillard l’acoustique était déformée, certaines notes s'effaçaient alors que d'autres gagnaient en piquant distordant, et l'ensemble semblait résonner de toute part et de nulle part. Un bal de spectres, dans un manoir dont le parc était orné d'immenses cyprès, droits comme des pendus, et sombres comme des flammes de cierges.
Sur les berges, dans ces pelouses rases de gazon sombre et humide, des servantes allaient, austères en leurs voiles translucides, silencieuses avec ces baillons qui leurs ôtaient le droit à la parole. Elles déambulaient au milieu des invités déguisés, entre les innombrables et très vieilles statues usées qui de loin en loin, surgissaient puis s'engloutissaient dans la brume. La Ville, invisible sur les rives lointaine n'était qu'un songe, qu'un souvenir aisé à oublier, tant la brume pâle et sirupeuse en tourbillonnant autour de l'île peignait comme un écran d'ombres chinoises. Ici les alcools servis étaient nobles, racés et poussiéreux, comme surgis d'un autre âge. Était ce des algues, fines et filandreuses qui dansaient au fond des bouteilles de vin anonyme ? Ou bien seulement des cheveux de noyées ? Nul ne posait la question, et personne de toute façon n'avait de réponse, puisque les barquettes, à peine leurs cargaisons déposées, s'en était déjà reparties comme pour ôter toute possibilité d'évasion.
Demeurait la demeure, ce palais dont les portes étaient mystérieusement closes. Avec ses balcons rongés de lierres, ses vieilles statues en frontons qui semblaient surveiller la foule des invités masqués, et ses tourelles que la brume dissimulait, pour ne laisser transparaître que l'éclat étouffé de fenêtres aux épais rideaux de velours. Attendre, en se surveillant par masques interposés, à l'ombre des rangés de cyprès au garde à vous, avec pour toile de fond cette musique lancinante et mystique et qui semblait venir de partout et nulle part à la fois. Que quelque chose se passe, que leur hôte, à moins qu'il ne soit plusieurs ne se dévoile enfin. A moins qu'il soit déjà là. Qui sait. A se mêler à la foule, à se déguiser, à jouer les impatients et les curieux un peu inquiets. Comment savoir. L'île est aussi muette qu'une tombe. Et le fleuve. Le fleuve. Joue les serpents farouches en rampant sous la grisaille.
Peut être n'était ce pas une si bonne idée d'accepter cette invitation, que de faire cette traversée pour un autre monde. Parce que tout ceci est quand même un peu inquiétant, trop mystérieux pour être parfaitement honnête. Améthyste et ses savants mystères. Améthyste et ses poignards dans le brouillard.