Omryn,
"C'est pas vrai, c'est pas moi, et puis d'abord, j'étais bourré."
Omryn Kovalyov |
✒ Son pseudonyme sur V'kontakte : Kopeck
✒ Age : 48 ans, transformé à 45
✒ Groupe : vampire (Kravt)
✒ Son métier, son statut social : chanteur à la petite semaine
Concept du personnage |
Son groupe s'appelle les Vintage Bikes, et il est connu pour son mélange d'esthétiques barbares et passéistes. Il a laissé tomber sa première carrière, mais il garde des réflexes, pas très diplomatiques ; et ses chansons parlent d'affaires criminelles, que ça plaise ou non. Il se trouve maintenant face à une obligation complexe, dans laquelle son Sire s'apprête à le guider : se retirer peu à peu de la scène publique, en interposant entre sa personne et son œuvre un Voile de mystère.
Il a perdu contact avec les mortels qui composaient son groupe de départ, sa transformation l'ayant rapproché d'un gang de motards nocturnes. Son personnage de scène est différent selon qu'il joue dans un bar ou à la télé. Il l'a nommé Abberline en référence au traqueur de Jack l'Eventreur, et il a appris à en présenter une façade très lisse et bon chic bon genre quand les caméras s'en mêlent. Dès qu'il descend de scène, il se décoiffe soigneusement et remonte sur sa moto ; ses amis l'appellent alors Kopeck. C'est un jeune vampire, encore peu en contrôle, et surveillé de près par sa meute. Sa musique devient de plus en plus sombre avec le temps, mais ne vous y trompez pas : il ne s'est jamais autant amusé.
Vampire Kontakte |
C'est pratique pour appeler les copains. Son Sire lui a appris à se retrouver là-dessus pour arranger les virées.
La déchirure du Voile : eh bien, il savait qu'un taré vidait ses victimes de leur sang, c'est le tueur en série sur lequel il enquêtait. Mais c'était plutôt un truc du genre, le gars faisait du boudin. Jamais on n'avait imaginé qu'il pouvait boire une partie du sang et vider le reste pour couvrir son régime particulier. Mais quand le tueur a réalisé que l'enquêteur se passionnait davantage pour lui et son mode de vie que pour son travail à la police, il a eu l'idée de lui faire traverser le Voile et de faire de lui un citoyen de la nuit. Et ce n'était pas difficile de le contrôler. Un "cap ou pas cap" et on en faisait ce qu'on voulait. Il avait du potentiel ; il aurait été dommage de le laisser se gâcher au service du gouvernement...
C'est maintenant un Kravt à part entière, avec un molosse dans son sillage, un gros tas d'affection, qui adore surtout Minuit dans le groupe. C'est réciproque : elle peut le papouiller toute la soirée au lieu de boire des canons, les chiens sont sensibles à ça. Mais faut pas le surprendre en arrivant derrière lui tout à coup, sinon il mord. C'est pas sa faute, il est craintif. Enfin, quand les gens voient à quel point il est amoché, ils n'osent pas trop avancer leur main. Minuit, ça lui va. Elle a confiance. Elle l'a vu se vautrer sur les genoux de Kopeck dans le side-car, quand on le ramenait à la maison après le litre de trop, et mâchouiller son blouson d'aviateur sans lui faire de mal. (Enfin, à Kopeck. Le blouson tire quand même un peu la gueule, à la longue.)
Elle sait que c'est une grosse carcasse pleine d'amour, et ça vaut aussi pour le rocker, auquel elle plante parfois un bisou sur le front comme une petite maman. Même avec cette mimique qu'il a toujours, sourcils froncés comme s'il allait faire le coup de poing avec les gosses du village à côté. C'est juste une brute, il est pas méchant. Un sale gosse attachant, hurleur à la lune, amoureux de la nuit. Voilà sa relation avec le peuple des vampires. Les uns détestent cette attitude, et froncent le nez à l'idée d'être associés avec ce barbare. Les autres apprécient la puissance qu'il dégage, et la musique qu'il compose, malgré sa carrure sèche et sa voix rauque ; et certains autres, la distinction qu'il arrive à mobiliser quand il est temps pour lui d'apparaître sur un plateau de télé. C'est alors un autre homme qui apparaît, un seigneur cosaque en son château.
Son histoire |
[Origines]
Sale gosse. C'était son second prénom dans les années 80. Tout petit, il montait à cheval et grimpait dans la montagne comme un singe, sans que personne se demande s'il risquait de se faire mal. Alors, il ne se posait pas non plus la question. Il ne se l'est toujours pas posée. En 1980 justement, il est allé voler un oisillon dans un nid d'aigle, pour s'en faire une bête de chasse ; il a failli se faire arracher le visage, et par les parents de l'aigle, et par ses propres parents, et par l'oisillon une fois grandi. Il l'a relâché, dépité, mais inconscient des risques courus. Bagarreur, caillasseur, mal nourri, étrangement costaud, il avait un sens bien à lui de la justice, et l'appliquait sans rien demander à personne. C'était un bébé ours dans une cour de ferme.
Sa famille avait poussé sur cette frontière rocailleuse, comme un bouquet de champignons parasites, à faire du commerce avec les villages d'en face et à les détester en même temps ; pendant dix-neuf ans de sa vie, ils restèrent tous citoyens de l'URSS, aussi loin que les routes puissent mener. L'hostilité avec les gosses de la vallée voisine était même plus forte encore. Traîtres vendus à Washington. Mauvais chrétiens, sorciers ou infidèles. Personne n'était assez bon citoyen. Au soir, il voyait son père patrouiller à cheval, torche à la main, avec deux autres miliciens, l'un avec sa carabine, l'autre juste son couteau de chasse et son luth triangulaire accroché sur le dos. Un rôdeur, un loup, un ours, un étranger, ils en faisaient leur affaire. Quand les autres ne pouvaient pas venir, son père allait seul. Et bien sûr, tout le monde était fan de Viktor Tsoï.
Bon, honnêtement la famille Kovalyov n'était pas arrivée là de son plein gré, la grand-mère libérée du Karlag en 1950 et jetée dans la neige avec ses enfants sous le bras, et Staline n'avait pas été un bon petit père pour eux ; mais c'était loin. La guerre était loin, la capitale était loin. La Sibérie était son propre monde, et l'ennemi, c'était le rival qui piquait les lapins morts dans les collets. Parfois, on lui tranchait la gorge. Loin du pouvoir, loin du ciel, comme on disait ici ; quel regard surveillait leurs crimes et leurs malheurs ? Aucun. Il fallait se débrouiller. Omryn Sale Gosse était doué pour ça. Et puis tout à coup, le sale gosse eut l'âge de partir faire son service. Nouveau pays, nouveaux espoirs. Dès 92, il était loin de chez sa vallée, un uniforme sur le dos.
Aussi loin qu'il se souvienne, il avait toujours eu une arme greffée à la main. Ça n'a jamais changé. Il impressionnait les instructeurs avec ça. Il avait l'oeil, il visait juste. Il ne se laissait pas faire, c'est ce qu'il écrivait à sa mère tous les week-ends. On l'avait collé dans l'artillerie, à s'occuper des chevaux qui tirent les belles pièces chromées pendant la parade, parce qu'on le jugeait con comme un mulet, une tête de lard émergée du fond de la province. Un sale mélange, un air un peu fou, trop intense, dangereux. Cheveux embrouillés de Tatar. Paupières effilées du grand-père. Regard glacé d'Allemand de la Volga. Beauté rêche, troublante pour les jeunes recrues à la sexualité débordante et encore mal définie. Omryn Sale Gosse devint Kovalyov Sale Con. Ses phalanges s'écrasaient jour après jour sur une marée de mâchoires, de nez et de crânes qui revenait sans cesse sous d'autres formes. Il ne se lassait pas. Il servait son pays. Et il apprenait vite ; conduire des machines invraisemblables était une seconde nature.
C'était l'aventure, les grands baraquements, les cantines aux bacs de métal pantagruéliques dont l'odeur le faisait saliver, les cours de terre battue martelée de centaines de pas. Il n'était pas intimidé, mais il aimait bien l'élan épique de tout ça. Une jungle de béton, ce n'était pas plus compliqué qu'une jungle de caillasse. Et dans un sens, il aimait bien être loin de chez lui. Ne plus être obligé d'aller prier sans arrêt avec sa mère. Quand il rentrait pour les fêtes, il en causait avec son père, dans des moments complices au coin du feu, quand elle ne risquait pas d'entendre. C'est dans un tel moment qu'il prit sa décision. Il allait chercher du travail dans les grandes villes, à Kiev, à Moscou, à Saint-Pétersbourg. Dans l'armée, dans la police, dans la sécurité. Il enverrait de l'argent tous les mois. Il serait une légende. Les chèvres qu'on aurait achetées avec son salaire, ça seraient "les chèvres d'Omryn". Ils feraient peut-être même du fromage exprès pour lui, qu'il mangerait à son retour.
Il n'imaginait pas de plus grande gloire sur le moment, alors qu'il étalait son fromage sur sa tranche de pain, avec son bon vieux couteau de chasse, gravé d'un motif d'aigle. Et il fourrait le pain dans sa grande bouche fendue d'un rire, l'écrasait de ses mâchoires implacables, avec une joie féroce. Une rasade d'eau-de-vie, une tranche de lard frit, une poignée de noix du jardin, et ils poussaient la chansonnette ensemble, aux échos de la falaise. Ah ! C'était la vraie vie.
[Ombre]
Les potes, bientôt ce furent ceux qui le retrouvaient le samedi soir, après une bonne semaine de boulot, pour s'éclater dans son garage avec quelques grattes et une batterie. Il adorait toujours autant chanter. Ils faisaient ça pour le plaisir. Aucune ambition là-derrière. Ils faisaient ça comme ils prenaient leurs motos pour décoller et aller tracer de la route. Quand il leur parlait des grandes steppes qu'il avait traversées pour venir, il les faisait presque rêver. Ce n'étaient pas de grands rêveurs dans l'âme.
Et comme promis, il envoyait de l'argent au village ; il fit réparer le toit de la grange, que la foudre avait frappé ; et il paya un beau mariage à sa soeur. Lui, ça ne l'attirait pas, ces mièvreries, il préférait les louves de la banlieue. Mordre, baiser, repartir. Il avait joué à ça, lors d'un retour au village, avec une femme du village voisin qui ne voulait pas se marier non plus. Il avait une fille, à ce qu'il savait, et il lui envoyait de l'argent aussi. Yamna.
Mais ce qu'il préférait, c'était traquer l'Ombre. Un tueur en série dont on ne savait strictement rien, à part son mode opératoire. Il saignait ses victimes, pendues la tête en bas, comme des porcs. Un rituel, sûrement ? Ou juste une pulsion sadique. Ou un gars des abattoirs qui avait fini par perdre la boule. Fallait que ça arrive. C'était la théorie du médecin-légiste. Comme à l'armée, Kovalyov se dit : je suis pas le plus fort, je suis pas le plus malin, mais je vais pas me laisser faire. Il mordit dans cette main tendue par le destin et remonta la piste, et le psychopathe commença à jouer avec lui un jeu du chat et de la souris. Les collègues ne le prenaient pas très au sérieux. Ils se disaient qu'un jour on le retrouverait saigné comme un porc, lui aussi. C'est tout ce que ça lui rapporterait. Sûrement pas une promotion.
A côté de ça, il écrivait des chansons de plus en plus sombres et cyniques, qui le défoulaient des horreurs de son boulot. Elle était glauque, cette ville. Elle respirait le mystère, celui qui colle aux os et laisse une sensation de froid mordant, difficile à secouer. Et le public répondait positivement. Oui, parce qu'ils chantaient devant un public, maintenant. Dans les bars, dans les parcs. Ils se faisaient plaisir. Un jour, il chanta "Peritas", une chanson pour son chien, qu'il avait trouvé sur un ring de combats illégaux : une pauvre bête qui servait d'appâts aux camarades et qui s'était fait tellement cogner qu'elle n'entendait plus rien. Un gros squelette mal en point et débonnaire, qu'il bourrait de viande rouge pour le remettre sur pattes.
Il l'avait adopté, c'était plus fort que lui. Au cours des années qui suivirent, la chanson fit le buzz, et finalement, ses fans le poussèrent à la chanter dans une émission de télé qui avait ouvert un casting. Il ne pensait pas que ça donnerait quelque chose. Il s'était engagé là-dedans pour rire. Lui, ce qui comptait, c'était sa traque de l'Ombre. Mais il était content de se dire que ses fans se battraient pour récupérer la pauvre bête pleine de cicatrices, si il lui arrivait quelque chose. Et il écrivit une autre chanson pour le concours qui aurait lieu au bout de l'émission : "Abberline". Ça, c'était destiné à l'Ombre. C'était son nouveau pseudo.
Mais avant qu'il reçoive ses résultats d'admission, l'enquête prit un tour inattendu. Un soir, on sonna à sa porte. Il alla ouvrir ; c'est pas le molosse qui allait le faire, il n'entendait pas la sonnette. C'était con quand même, il n'entendait pas sa musique non plus. Il se couchait par terre et il se laissait masser le ventre par le vibrato des basses. Et parfois il se roulait comme un chiot, avec son air rigolard et sa grosse gueule béante, comme un piège.
Devant la porte, l'Ombre était là.
C'était juste un random moustachu en blouson de moto, et des espèce de dessins chinois sur sa peau ; comme on en croise dans les bars à deux heures du matin, rien de folichon... mais en échangeant deux mots avec lui, Kovalyov comprit directement de qui il s'agissait. Et après une hésitation, il le fit entrer. C'était con à dire mais ils discutaient bien. Ils s'entendaient bien, en fait. Mieux qu'avec les collègues, mieux qu'avec le groupe, et mieux qu'avec ces ahuris de voisins, et largement mieux qu'avec les gars à l'armée. Il l'avait soigneusement observé pendant toutes ces années ; ils avaient enquêté l'un sur l'autre avec le même acharnement, c'était rigolo. Et l'Ombre avait une proposition à lui faire.
Il allait l'aider, pour cette émission. Il allait polir le diamant brut et lui donner une éducation express, et le renforcer physiquement, au point que ça lui serait égal de cracher du sang en sortant de scène après s'être défoncé au micro. Il allait faire de lui, mieux qu'une star, un prince. Kovalyov rigolait bien : y avait du boulot, et puis, son but à lui, c'était de coffrer l'Ombre et de la mettre au frais. Fallait plus que des promesses bizarres pour le faire changer d'avis. Alors qu'il se marrait, l'ombre lui avait sauté à la gorge. Et à nouveau, le chien n'avait rien entendu. Ce soir-là Kovalyov devint le dévot et l'élève d'un être centenaire. Il remit son destin entre ses mains et il n'éprouva jamais de regrets.
[Métamorphose]
Il faisait de la moto non ? Qu'il fasse de belles virées en forêt, ça le sortirait du boulot, au lieu de s'y complaire. Kovalyov n'aimait pas trop qu'on fasse pression sur lui, mais bon, il comprenait bien qu'il était maladroit avec ses chansons. C'est ça qui plaisait ! Les gens, ils étaient contents quand ils étaient choqués ! On baise pas une femme avec le petit doigt, pas vrai ? (Sauf quelques femmes très particulières, qu'il ne connaissait pas, donc il n'était pas concerné.) Mais le chef n'était pas réceptif à ses boutades. Il allait devoir choisir.
Bah, il laissa les gens de la télé choisir à sa place. Le public votait pour le vainqueur, il ne savait pas trop si c'était truqué ou pas, mais il avait un succès monstre, dans le rôle d'Abberline : le beau flic lisse et bien élevé, propre sur lui, qui semblait descendu d'une affiche de film. Les gars de son groupe étaient un peu jaloux, mais il leur assurait que dès l'année suivante, tout le monde aurait oublié. Y aurait de nouvelles stars et ça finirait dans les archives du divertissement. Il en était convaincu.
Son arrêt maladie se prolongea ; il disparut du circuit, et ses anciens collègues du commissariat pensèrent qu'il était rentré dans sa famille. Il avait l'air malade récemment, il faisait des baisses de tension, il ne tenait plus l'alcool, ça ne lui ressemblait pas. Pendant quelques années, il resta mort aux yeux du monde. Il traînait en Sibérie mais sa famille le croyait à Saint-Pétersbourg. Il n'aime pas reparler de cette époque ; il évoque juste l'aurore boréale sur les grandes forêts obscures, le craquement de la glace noire sous les pieds, et le goût ferreux dans sa gorge. Comme un loup-garou qui enfouit dans sa mémoire le souvenir de sa première transformation. Quand il regagna la ville pour affronter les feux des projecteurs, il était prêt. Plus que prêt : il était méconnaissable. (Aussi, il buvait du sang, mais chut.)
L'Ombre avait triché, pour lui faire accepté son extreme makeover. Il l'avait défié. Kovalyov n'a jamais su résister à un défi. Pour lui, "t'as pas les couilles de..." suivi d'un effet souhaité, c'est l'équivalent d'une formule magique qui le prive de toute volonté. Et puis, cette émission de télé, sa mère allait la voir ; toute sa famille était assise devant le poste de télé, les gamins en tas par terre sur des tapis, avec des bols de soupe pour leur tenir chaud, et les grands en cercle autour sur les chaises, à se tenir la main en priant pour qu'il gagne. Les jeunes filles détournaient le regard pudiquement quand il devait danser, et les hommes beuglaient de fierté en levant le poing quand il était interviewé, brièvement et de façon aseptisée, sur une quelconque question de société.
Il était métamorphosé ; il était parfait. Un peu trop parfait au fond. Le groupe se payait sa tête, en citant l'émission avec un ton de voix maniéré, quand il revenait parmi eux. Un jour, il se brouilla définitivement. Ils étaient trop nuls. Elvis aussi, on l'avait emmerdé, quand il était jeune. Pantalons moulants et cheveux gominés, pour l'un, autorité ombrageuse et montre à gousset pour l'autre ; toujours la même histoire. S'ils ne voulaient pas d'une star parmi eux, il se démerderait tout seul, de toute façon c'était lui le groupe ! Il écrivait les chansons, la musique, il jouait de la guitare, il chantait, il dansait... Il était une force de la nature. Eux, c'était que des sales petits citadins sans énergie, des fleurs de game boy. Il avait pas besoin de les traîner comme des boulets.
L'Ombre l'encourageait. Il ne vieillirait jamais. Et puis, il y avait la chasse, à laquelle il devenait de plus en plus habile, lui qui avait grandi parmi des chasseurs depuis sa plus tendre enfance. Il y avait ses nouveaux frères de meute, les motards avec lesquels l'Ombre l'emmenait en virée quand il commençait à craquer. Et puis... la solitaire Minuit, avec sa cascade de ténèbres dans le dos, comme une longue aile noire ; avec ses allures à la fois fragiles et intimidantes, qui aurait bien mieux mérité le surnom d'ombre, si sa pâleur lunaire n'avait pas tranché dans la nuit. Il l'appelait Mimi. L'Ombre, pour les copains, c'était Kenning. Et lui, on l'appelait Kopeck. Il ne se rappelle plus pourquoi.
[Epilogue]
Du coup, maintenant il traîne avec les Kravt, pour sa musique et aussi en ville. Abberline et les Vintage Bikes est un groupe de métal brûlant, c'est comme ça qu'il le décrit. "Peritas" reste une de ses chansons les plus appréciées. Le chien est toujours là, il n'a pas peur d'un maître qui vit la nuit, au fond rien n'a vraiment changé pour eux deux. L'Ombre est son manager, à l'amiable, et participe aussi aux concerts avec ses putains d'instruments à cordes. Et balader un alto, ou juste un flingue dans l'étui en question, ou rouler en Brough Superior, c'est le meilleur moyen d'attirer la bagarre ; Kopeck est devenu très adepte de cette forme de malice. Ça s'est fait tout seul, il n'a pas hésité, cette faction lui tendait les bras. Le vampirisme n'a fait que renforcer son côté inconséquent, le mec qui fait des conneries depuis toujours et qui s'en relève à peine froissé ; il peut se rouler tout nu dans la neige, maintenant, il sait qu'il risque pas d'en crever.
Et on secoue pas Mimi dans la fosse, quand elle vient applaudir le groupe ! Elle, c'est sa mascotte, à moins que ça ne soit l'inverse. C'est un coup à se prendre le lead singer sur le coin de la mâchoire, il plonge sans réfléchir quand il voit ça. Qu'il joue en pantalon de mécano, luisant de sueur et torse nu, la mousse de bière accrochée à sa moustache, ou qu'il gueule ses refrains dans un costume trois-pièces avec œillet à la boutonnière, ça ne change rien à ses réflexes. Ceux d'un motard à l'uniforme mal accroché, qui combattait les gangs sur le terrain.
Bon, il écrit toujours à sa vieille maman, mais il ne lui dit pas ce qu'il devient, elle le traiterait de drogué, et elle le ferait revenir pour un exorcisme à l'ancienne. Il dit juste qu'il s'est fait plein de potes. Une vraie petite famille qui l'attache à Saint-Pétersbourg. Un peu effrayants vus de l'extérieur, lui, l'Ombre, Minuit et le chien. Et les chèvres d'Omryn ? Elles vont bien, merci. Sa maman lui envoie du fromage de temps en temps. Autant il a complètement perdu le goût des trucs sucrés, autant ça, il ne s'en lassera jamais.